Le rapport IGF-CGEDD (L’Inspection Générale des finances et le Conseil général de l’environnement et du développement durable) de Janvier 2011 sur le financement du logement intermédiaire ouvre des pistes intéressantes pour favoriser l’essor de cette catégorie de logement locatif pour les classes moyennes.
L’OFFRE DE LOGEMENT LOCATIF INTERMEDIAIRE
L’offre de logements locatifs intermédiaires s’adresse à des ménages à revenus moyens qui se retrouvent, dans les territoires les plus tendus, à la limite entre le marché libre et le parc social. C’est dans les territoires à forte tension immobilière qu’il existe un réel besoin pour une offre de logements dite intermédiaire aux loyers compris entre les plafonds PLS et le parc privé.
Le parc de logements des bailleurs sociaux est composé d’une offre intermédiaire issue de financements de prêts locatifs intermédiaires (PLI) et soumise aux mêmes plafonds de ressources et de loyers que les logements Pinel dans le parc privé. Ce parc compte 53 000 logements PLI soit 1% du parc total des bailleurs sociaux.
En 35 ans, près d’un million de logements sont sortis du parc privé des investisseurs institutionnels. Le retrait des investisseurs institutionnels a intensifié la raréfaction de l’offre locative intermédiaire. Mais celle‐ci fut compensée par la croissance de la production de logements portée par des particuliers investissant dans l’immobilier locatif sur incitation fiscale. De plus, au sein du parc privé, l’offre de logements soumis à des plafonds de loyers intermédiaires résulte des dispositifs PINEL ou Duflot qui vont disparaître et qui ne garantissent pas ces niveaux de loyers au‐delà des échéances contractualisées avec l’Etat, variables de 6 à 12 années. Ces dispositifs s’appliquent dans des zones où les loyers de marché ne sont pas éloignés des loyers sociaux. C’est pourquoi la construction d’une offre stable en volume de logements à loyers intermédiaires tend à devenir nécessaire.
Le dispositif mis en place en 2014 pour l’obtention d’un régime fiscal en faveur de logements intermédiaires spécifiques aux personnes morales est relativement récent. Ce dispositif permet d’obtenir un double avantage fiscal lorsque les logements en satisfont les conditions d’accès : l’acquisition est soumise au taux de TVA réduit de 10% et une exonération de taxe foncière est disponible pendant une durée maximale de 20 ans. La mise en place de ce dispositif a permis la création de trois fonds dédiés aux logements intermédiaires.
La production des logements intermédiaires est en croissance depuis 2014, notamment grâce aux deux géants du marché. CDC Habitat et les filiales IN’LI d’Action Logement représentent 64 % des logements intermédiaires agréés entre 2014 et 2020. Le groupe Action Logement s’est d’ailleurs fixé l’objectif de produire en 10 ans 100 000 logements locatifs intermédiaires dont 80 000 en IDF. A côté de ces deux
acteurs majeurs, on peut compter les bailleurs sociaux qui sont montés en puissance dans le marché du logement locatif intermédiaire à hauteur de 32% de parts de marché.
ESTIMATION DU BESOIN EN LOGEMENTS INTERMEDIAIRES
Aujourd’hui, le parc des bailleurs sociaux construit via le dispositif PLI s’établit à 53 164 logements. L’offre de logements issus de dispositifs de réduction d’impôt pour investissements locatifs varie d’année en année. Le rapport estime que le parc des personnes physiques compte 450 000 logements. Toutefois, cette offre ne répond pas entièrement aux besoins des ménages actuels en matière de logements intermédiaires locatifs. A termes des différentes études de la mission, le parc compte un total de 140 000 logements utiles. D’un autre côté, la demande des ménages peut être estimée entre 320 000 et 560 000 au niveau national. Ainsi, on estime un besoin net compris entre 180 000 et 420 000 de logements intermédiaires à construire et donc un besoin de capitaux propres compris entre 40 et 90 milliards d’euros. Si la production de ces 180 000 à 420 000 logements est étalée sur 10 ans, le besoin annuel en capitaux propres serait compris entre 2,0 et 4,5 milliards d’euros.
UN BESOIN EN CAPITAL A PIORI FINANCABLE PAR LE MARCHE
Depuis 1984, le retrait des investisseurs institutionnels est notable. Le mouvement s’est poursuivi au fil des années ; les investisseurs institutionnels détenaient 18% du parc immobilier résidentiel privé en 1984, ils n’en détiennent plus que 1% seulement aujourd’hui. En 2019, l’immobilier représentait seulement 6,3% en valeur des actifs détenus par les investisseurs institutionnels.
Les origines de ce retrait tiennent des risques et coûts spécifiques de l’immobilier. En effet, malgré un couple rendement/volatilité à la frontière entre obligations et actions à long terme et un enjeu de diversification, le logement est le seul actif à créer une situation de concurrence entre les personnes morales et les particuliers ; c’est un marché peu profond additionné de frais de mutations élevés et le cadre juridique applicable aux relations entre locataires et investisseurs est peu favorable.
En ce qui concerne le portefeuille actuel d’actifs immobiliers des investisseurs institutionnels, on peut mettre en évidence une préférence pour l’immobilier d’entreprise (bureaux et commerces). La recherche de diversification des portefeuilles pousse néanmoins les investisseurs institutionnels à se tourner de plus en plus vers le marché de l’immobilier résidentiel en général et le logement intermédiaire en particulier. En effet, l’actif immobilier apparait comme un actif pro cyclique qui satisfait les exigences ISR.
La mission a tenté d’estimer la capacité du marché à financer la construction de logements intermédiaires. En supposant que les investisseurs institutionnels décident d’être de plus en plus présents sur ce segment de marché, le marché pourrait financer 50 000 logements intermédiaires par an sous réserve de capacités de production adéquates. Donc, la mission considère que les capitaux propres à mobiliser pour satisfaire la demande des ménages ne forment pas aujourd’hui un obstacle pour l’expansion de ce segment de marché. De plus, l’environnement économique actuel (taux d’intérêts très faibles) favorise le développement de l’offre de logements intermédiaires.
LA CAPACITE D’EMPLOI DU FONCIER CONSTRUCTIBLE
Selon les études de la mission, il faudrait augmenter entre 40% et 220% le rythme de construction de logements LLI pour satisfaire la demande actuelle des ménages.
Il faut bien prendre en compte que les efforts d’investissements pour construire de nouveaux logements intermédiaires ne sont pas les mêmes en fonction des zones immobilières. Par exemple, en zone A l’effort de construction est plus important à réaliser car la production devrait possiblement tripler.
La mobilisation du foncier se heurte tout de même à certaines difficultés non négligeables. Premièrement, les réticences générales au développement de l’offre résidentielle de nombreuses collectivités risquent d’être intensifiées par les attentes en matière de sobriété foncière. En effet, l’espace disponible de construction dans les places d’extension urbaine est de plus en plus menacé. Les promoteurs se battent pour construire ces espaces et les collectivités se battent en retour pour limiter le développement urbain périphérique. Cela pourrait entraîner un phénomène de raréfaction des espaces disponibles de construction et donc une hausse des prix du foncier constructible. Nous pouvons ajouter à cette difficulté celles liées aux pertes de recettes fiscales du fait de l’exonération TFPB sur le LLI.
Néanmoins, deux facteurs sont favorables au développement des constructions LLI. Premièrement, les avantages fiscaux du dispositif Pinel diminuent peu à peu, apparait donc l’opportunité de se rabattre sur la production orientée vers le LLI et ses avantages pour les nouveaux investisseurs. Deuxièmement, la concentration d’habitats notamment dans la petite et grande couronne en IDF, appelle à la diversification de l’offre résidentielle dans ces zones de sur‐habitation et donc un potentiel de croissance des logements LLI.
Enfin, il est important de noter que le manque de communication et de prise en compte de la demande en logements intermédiaires ne facilitent pas le développement de ce segment de marché.
L’INTERVENTION DE L’ETAT POUR FLUIDIFIER LE MARCHE ET STIMULER L’OFFRE
La mission considère que l’Etat a un rôle à jouer dans l’expansion de ce segment de marché et il passe par la fluidification de ce marché. La mission propose alors dans cette dernière partie plusieurs éventualités pour atteindre cet objectif de fluidification :
- ‐ Celle‐ci demande que les exonérations TFPB supportées par les communes soient transformées en crédit d’impôt supporté par l’Etat. Elle estime que le coût d’une telle mesure reviendrait entre 30 et 35 millions d’euros par an sur une base de 42 000 logements intermédiaires construits soit un coût total estimé entre 300 et 350 millions par an en valeur actuelle au bout de 10 ans.
- ‐ Il faut selon la mission donner davantage de visibilité au LLI en utilisant deux moyens. Le premier est de pallier au manque d’information sur les dispositifs LLI en intégrant une spécification obligatoire dans les documents de programmation de l’habitat et d’urbanisme. Le deuxième est la suppression de l’obligation de 25% de logements sociaux dans les
programmes de logements intermédiaires pour les communes ayant atteint leur quota de logements sociaux en référence à la loi SRU.
- ‐ Elle propose également de reprendre l’écriture de l’article 1384‐0 A du code général des impôts (CGI) dans le but d’élargir les avantages fiscaux dont bénéficient les investisseurs institutionnels dans le cas de construction de logements intermédiaires neufs.
- ‐ Elle propose de lever les freins juridiques à la constitution de filiales dédiées au logement intermédiaire par les organismes de logements sociaux en leur permettant d’en être actionnaire minoritaire et en autorisant les OLS à en être le gestionnaires des logements.
- ‐ La mission souhaite permettre la création de fonds dédiés au logement intermédiaire ouverts à l’épargnants privé, soumis aux dispositions juridiques applicables aux fonds d’investissement alternatifs et sans avantage fiscal dédié.
- ‐ Enfin, elle aimerait mettre en place les moyens nécessaires à l’évaluation du dispositif en facilitant le transfert de données entre administrations, la mesure des loyers de marché, et le suivi de l’incidence des LLI sur le parc et son occupation.
- Source :https://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPub lics/2021/Rapport_public_LLI.pdf